Comme tous les ans, la rentrée littéraire voit fleurir des centaines de nouvelles publications qui vont de pair avec la saison des prix. C’est aussi l’occasion pour remettre en lumière les lauréats précédents. Je saisis donc cette opportunité pour vous parler du Prix Médicis 2015, attribué à :

 

Titus n’aimait pas Bérénice de Nathalie Azoulai

 

  

racine

 

(315 pages) publié la même année chez POL. Où quand, à travers la plume de cette auteure de talent, Racine est réinventé à travers la lecture de ses pièces et la consolation d’un chagrin d’amour. L’écriture est ciselée, quand bien même de l’aveu même de Nathalie Azoulai, l’alexandrin n’a pas guidé sa plume.

 Au début de la lecture, on découvre une jeune femme d’aujourd’hui, dévastée par un chagrin d’amour :

 Elle ne sait pas encore que le fiel est l’autre nom de la bile mais comprend que les profondeurs de l’âme et du corps se logent au même endroit. L’abandon de Titus, c’est une tache noire sur sa peau. « Adam avant le péché état un diamant, et après le péché il est devenu un charbon », écrit Saint-Cyran, le complice de Cornélius Jansen.

Petit à petit, elle s’abreuve des mots de Racine pour revenir doucement à elle en entreprenant un pèlerinage. Cependant, ce n’est pas ce pèlerinage qu’elle raconte ici, c’est la vie de Racine. Un second récit vient donc se mêler au premier ; et c’est cette singularité même de l’écriture en doublons qui fait le sel et l’intérêt du roman, même s’il est parfois compliqué de faire le tri et de comprendre à quelle époque on se trouve. Pourtant, cet emportement est à la fois une mauvaise et une bonne chose, un exercice de style. Pour qui est amoureux de la langue et du dix-septième siècle, comme c’est mon cas, c’est un vrai délice de (re)plonger dans les apprentissages et les interrogations d’un des plus grands auteurs de cette époque, même si beaucoup de choses sont inventées, à travers ce que l’on sait être vrai.

 Les leçons de latin réveillent quantité de souvenirs plus ou moins bons, mais mettent en émois un esprit qui a soif de connaissance.

 

« Est-ce à dire que toute langue est musique ? Demande Jean un matin dans la chambrée.

  Vous n’êtes pas là pour apprendre à chanter, cingle le maître.

 D’autres questions fusent. Incidemment, un élève demande pourquoi on ne leur donne jamais de thème latin.

 À quoi nous servirait de remplacer une langue vivante par une langue morte ?

 

Jean trouve l’expression cruelle. Comment une langue peut-elle mourir ? […] Ce qui compte, reprend le maître, c’est de faire voyager les anciens jusqu’à nous, de profiter de ce qu’ils ont à nous apporter, de les connaître de l’intérieur et de fouiller leur texte comme de la matière. C’est ainsi qu’on apprend à modeler la nôtre ».

 

Si seulement nos politiques pouvaient garder cela en tête…

 Il y a tout dans ce livre : du romanesque, des Idées, de la littérature, de la poésie, du Classique et du Moderne. Joli moment de lecture et prix amplement mérité.

© POL 

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