D’aucuns disent que les enfants et les jeunes ne lisent pas ; c’est faux. Il suffit de voir le succès de certaines séries pour enfants, de certaines applications d’écriture sur smartphone, et de l’importance des sms avec lesquels les jeunes communiquent énormément. La lecture au sens propre du terme fait donc partie de leur vie. Mais nuançons le propos : s’ils lisent, ils ont de moins en moins accès à la langue telle qu’elle devrait être, vivante, contenant toutes les subtilités qui sont les siennes.

Si l’on fait ce constat, c’est qu’il est facile de se rendre compte d’une simplification à mon sens désarmante et catastrophique de l’essence même de la langue française. Pour preuve, la réécriture, ni plus ni moins, de certaines séries mythiques de la littérature enfantine, tel Le Club des Cinq, que l’on voit réécrit au présent, simplifié, platement édulcoré et raccourci… C’est ce que l’on appelle crûment mais non sans nécessité le nivellement par le bas, la guerre des élites, justifiée par notre ancienne Ministre de l’Éducation, qui prônait la fin de l’enseignement du latin et du grec, au prétexte que cet enseignement pourtant fondamental pour la compréhension du français, ne faisait qu’accroître les fossés sociaux entre les enfants venants de milieux modestes et les autres…

Plutôt une armée d’enfants illettrés qui ne réfléchiront pas, que des jeunes qui connaissent le sens des mots, et sont donc capables de démonter un discours… C’est tout l’enjeu politique de l’enseignement de la langue… Et il est capital pour l’avenir de nos enfants et de notre société. Je dis enfants illettrés à dessein, et sans mépris, car que peut-on dire d’autre d’un enfant qui, arrivé en CM2, éprouve encore de graves difficultés de lecture ? Le problème est tel que les enfants français ont des problèmes en math, non pas par manque de logique mais parce qu’ils ne comprennent pas le sens des mots présents dans les consignes ! Comment voulez-vous qu’un enfant soit capable de résoudre un problème dont il ne comprend pas la consigne ? C’est tout le résultat de cette politique de « l’apprenant » versus l’élève, « le disciple » en latin… L’enfant devrait en effet être capable de tout découvrir par lui-même, sans recevoir la moindre explication ? Foutaises !

Le sens de ce billet est de montrer que le problème ne dépend pas uniquement des professeurs pour qui j’ai un immense respect, mais également, et peut-être surtout, des éditeurs jeunesse, qui sont les premiers à mettre dans les mains des enfants, par leur travail, ce que l’on appelle l’objet livre. Là encore, je ne mets pas tout le monde dans le même panier, et je sais qu’il y a d’excellents professionnels du livre, éditeurs, libraires, qui font un travail magnifique… Et la construction de l’enfant se complète par là, par ce qu’on lui donne à voir, ce à quoi il a accès, ou pas. En ce sens, les parents ont également un grand rôle à jouer. Mais on en revient alors au début de ce billet, comment rattraper des lacunes qui sont ancrées dans la société, au point que même des infirmières qui ont un bac plus 3, soient capables de confondre un infinitif et un participe passé dans certains écrits ? On se demande alors comment des erreurs médicales peuvent être évitées… Quid de la collègue qui croira alors que le médicament n’a pas été donné, et infligera un surdosage à son patient ? Si je me permets cette parenthèse, c’est que j’ai vu ce type de fautes, en tant que patiente, dans des courriers médicaux me concernant… Cet exemple est frappant, même si l’on sait qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais il démontre bien que la compréhension et l’usage de la langue sont des enjeux vitaux… CQFD

Si l’orthographe est un tel enjeu, il faut alors remédier à plusieurs choses :

1. De l’enseignement de l’orthographe à l’école

2. De la gestion de la langue par les éditeurs dans la littérature jeunesse

3. Du rattrapage des lacunes abyssales de certaines personnes en orthographe.

Même des gens qui ont fait de longues études font encore des fautes, (cela m’arrive aussi, mea culpa…) c’est dire l’étendue du problème. Mais il semblerait qu’au-delà des simplifications dont il est fait état plus haut, il existe aussi d’excellents moyens de se remettre à niveau, comme le projet Voltaire, dont je crois beaucoup en l’efficacité. Encore faut-il, pour que l’on rattrape ces manques, que les mentalités évoluent et remettent la langue au cœur de l’enseignement et de la société… C’est l’affaire de tous : individus, professeurs, éditeurs, enfants, parents, de tous milieux. Mais l’espoir est permis…

À méditer…

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